Texte de l'exposition Tchouri, Musée de l'Air et de l'Espace, Paris-Le Bourget, mai-novembre 2018

Avec cette installation au musée de l’Air et de l’Espace, Yan Tomaszewski engage la perception du visiteur, mais aussi sa pensée, son imagination et sa rêverie, vers les possibles origines de la vie dans l’univers. Inspiré de l’étude, à mille milles de toute terre habitée, par la sonde Rosetta/Philae de la comète Tchourioumov-Guérassimenko – dite « Tchouri » - l’artiste assemble un corps céleste à des instruments scientifiques, et se tourne vers le surnaturel par la forme et le fonctionnement de cet ensemble lointain. Là se rencontrent l’origine de la vie et son oubli, la recherche et ses limites. L’inquiétude de la compréhension comme un écho au fantasme de l’inconnu. L’installation en elle-même définit la masse et l’énergie glaciale d’un objet céleste, dans lequel des éléments anatomiques apparaissent, sculptés en distorsion et assemblés de nouveau, alors que défilent les images filmées de leur possible réinvention par les chercheurs actuels et leurs étranges appareils.

Sur le tarmac du Bourget, près de la maquette de la fusée Ariane sans laquelle l’aventure Rosetta/Philae n’aurait pu voir le jour, c’est tout d’abord Tchouri que le spectateur découvre, en une reproduction architecturale à l’échelle réduite de la comète, de ses formes surprenantes et de sa matière d’un noir plus que profond, inconnue sur terre. Tombée là sans prévenir, sans choc et sans bruit, comme l’impact d’un clin d’œil, elle veille.

En s’approchant, il s’apercevra que l’installation possède, en plus de la roche d’une comète, l’esprit d’une caverne à visiter, dans laquelle la sculpture lie des instruments en verre d’un laboratoire improbable à une anatomie devenue transparente, la construisant tout autant qu’ils la dissèquent. La netteté de la chimie se dissout vers l’imaginaire de l’alchimie, une forme d’esprit, comme un mot d’esprit, mêlant pour qui passe en son sein l’apparition de la vie à sa possible recréation mystique.

Associée à ces œuvres se trouve une vidéo, entremêlant la symbolique des origines avec la machinerie ultramoderne qui travaille à recréer, pour mieux les comprendre, les associations de matière, les rencontres d’atomes donnant naissance aux molécules primitives essentielles à toute forme de vie connue. Sous l’acier, la pression et le froid se forme ainsi un domaine spatial lointain, réduit jusqu’à tenir dans nos mains.
La recherche profonde, précise, se mue ainsi en ce qui nous rappelle la mystique des alchimistes, l’herméneutique liant le reptile au fourneau, au microcosme comme au macrocosme en une logique aux interprétations fécondes, mais impossibles.

Invitant au rêve éveillé, l’œuvre de Yan Tomaszewski transpose donc, au cœur du musée de l’Air et de l’Espace, l’attrait de l’art terrestre pour la science spatiale comme celui de la science, exacte ou non, pour l’art imaginaire, comme une inspiration puissante que ces opposés complices savent créer en chacun de nous.

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